Le nouveau régime des intermittents du spectacle


Publié le 20 juillet 2016

Le régime des intermittents du spectacle est inscrit dans la Loi comme composante obligatoire des conventions d’assurance chômage depuis 2015 [1]. Les règles spécifiques d’assurance chômage propres aux techniciens et artistes du spectacle et de l’audiovisuel résultent respectivement des annexes 8 et 10 au règlement général de l’assurance chômage. Ces règles évoluent sur proposition des partenaires sociaux des branches représentatives du secteur, dans les limites d’un cadre fixé par les organisations syndicales et patronales siégeant à l’Unedic. Lorsqu’un accord est trouvé, le texte est ensuite soumis aux partenaires sociaux « nationaux » qui peuvent les conserver ou les modifier lors des négociations qui s’ouvrent sur le régime d’assurance chômage. Ainsi, le premier accord du genre a été trouvé le 28 avril 2016 (2). Le texte, qui réforme en profondeur le régime des intermittents, a été signé par l’ensemble des organisations salariales et patronales en présence, fait suffisamment rare pour être souligné.

Mais en juin 2016, le MEDEF a quitté la table des négociations au cours desquelles devaient notamment être reprises les conditions proposées dans cet accord. Ce faisant, aucun nouvel accord n’ayant été trouvé sur l’assurance chômage, les règles en vigueur continuent d’être appliquées jusqu’à ce qu’un nouvel accord soit trouvé. Mais pour les intermittents du spectacle, c’est l’accord du 28 avril qui deviendra la règle dès le 1er août 2016 (fins de contrats de travail à compter du 1er août). Le décret d’application, n° 2016-961, pris par le Gouvernement a été publié au Journal Officiel du 14 juillet 2016.

Tour d’horizon des principales modifications instituées par le nouveau régime…

 

[Additif du 26/07/2016 : Le Pôle Emploi diffuse sur son site internet une nouvelle notice « indemnisation » suite à la publication du décret du 13 juillet 2016, (voir les 2 liens ci-dessous pour + d’informations). On peut notamment y lire que l’organisme souligne le caractère provisoire de cette nouvelle règlementation, pour laquelle « Une décision définitive intervient au plus tard le 31 décembre 2016, au regard de l’intégralité des règles contenues dans ces annexes ».]

Accéder au site Pôle Emploi sur l'accord du 28 avril 2016
Télécharger directement la nouvelle notice sur poppaye.fr

 

1 – Le champ d’application

Sont concernés les salariés employés en CDD :

1- comme artistes du spectacle, quelle que soit la qualité de leur employeur. L’article L 7121-2 du Code du Travail, qui fait référence sur ce point a été récemment modifié par l’article 46 de la Loi relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP). Il est ajouté les professions suivantes : le réalisateur et le chorégraphe, pour l’exécution matérielle de leur conception artistique ; l’artiste de cirque ; le marionnettiste ; les personnes dont l’activité est reconnue comme un métier d’artiste-interprète par les conventions collectives du spectacle vivant étendues. Le périmètre des professions est ainsi grandement élargi, et les réalisateurs sont reconnus comme artistes par la Loi.

[Additif du 22/12/2016 : le décret du 16/12/2016 modifie le décret du 13/07/2016, notamment en supprimant toute les références aux métiers intitulés « réalisateur » dans les listes de professions de l’annexe VIII.]

2- comme techniciens dont les fonctions sont listées dans les conventions collectives, et reprises dans l’annexe VIII.

Les entreprises pouvant employer des techniciens intermittents (annexe VIII) sont jusqu’ici identifiées par leur code APE. A partir de 2017, et au plus tard le 1er mai 2017, il sera fait référence à la convention collective applicable. Ainsi, les techniciens devront être employés par une entreprise relevant de l’une des conventions collectives du secteur (cf. leur code IDCC, Identifiant des conventions collectives) :
– Edition phonographique (IDCC 2770)
– Entreprises Artistiques et Culturelles (CCNEAC) dite “spectacle vivant public », (IDCC 1285)
– Entreprises du secteur privé du spectacle vivant (CCNSVP, IDCC 3090)
– Entreprises techniques au service de la création et de l’événement (ETSCE, IDCC 2717)
– Espaces de Loisirs, d’Attraction et culturels (ELAC, pour l’annexe Spectacle uniquement, IDCC 1790)
– Production Audiovisuelle (IDCC 2642)
– Production cinématographique et publicitaire (IDCC 3097)
– Production de films d’animation (IDCC 2412)
– Radiodiffusion, dont radiodiffusion privée (IDCC 1922)
– Télédiffusion dont chaînes thématiques (IDCC 2411)

Les différentes conventions collectives du secteur sont toutes étendues, et les entreprises du spectacle ne peuvent en théorie pas « passer entre les gouttes ». La nécessité d’appliquer une convention du secteur devient une condition pour employer du personnel intermittent. Cependant, il est précisé, entre autres cas, que les employeurs de droit privé et de droit public titulaires d’une licence d’entrepreneur de spectacles et affiliés à la Caisse des Congés Spectacles mais n’appliquant pas l’une des conventions du spectacle vivant, les employeurs relevant du GUSO ainsi que les entrepreneur de spectacles occasionnels (cf. L7121-19 du code du travail) sont également concernés. Cela permet par exemple de ne pas exclure les associations socio-culturelles relevant de de la convention de l’animation, les cafés concerts et les particuliers employeurs.

 

2 – L’ouverture des droits

Le nouveau texte s’applique aux fins de contrats intervenant à compter du 1er août 2016. Cependant toutes les dispositions n’entrent pas en vigueur à cette date, certains paramètres s’appliqueront à une date ultérieure, alors précisée dans cet article.

507 heures attestées sur 365 jours

C’est donc le retour à une durée d’indemnisation de 12 mois. En effet, depuis 2004, les intermittents devaient justifier de 507 heures de travail sur 10 mois pour les techniciens, et 10,5 mois pour les artistes pour ouvrir droit à 8 mois (243 jours) d’indemnités. La période permettant d’atteindre le seuil de 507h sera de nouveau constituée des 12 mois précédent la fin du dernier contrat de travail.
L’accord précise que sont prises en compte les heures relevant d’une activité de spectacle, mais aussi « l’ensemble des heures de travail réalisées en tant qu’artiste (y compris résidence, activités connexes et toute autre activité prévue par les conventions collectives) ». A cet égard, la convention collective des Entreprises Artistiques et Culturelles précise aux titres XII-2.6 et XIV-3 les définitions des activités connexes, qui prolongent une activité artistique, objet principal du contrat de travail.
NB : Par contre, l’accord du 28 avril ne précise pas si les périodes de travail exercées en qualité d’artiste dans l’Espace Économique Européen jusqu’ici prévues, sont toujours éligibles.

 

Valorisation de tous les cachets à 12 heures

Voilà une révolution : exit les cachets de 8 heures ! Les cachets sont désormais tous valorisés à 12h, sans lien avec la durée du contrat de travail.

[Additif du 26/07/2016 : Tous les cachets attestés par une AEM en date de fin de contrat postérieure au 31 juillet 2016 sont ainsi comptabilisés pour 12 heures, quelle que soit leur « ancienneté ».]
Soulignons cependant ici que cela ne modifie pas les règles de calcul des cachets en matière de cotisations sociales, et que les plafonds applicables aux cotisations Urssaf et Pôle Emploi restent inchangés : en 2016, 177€/jour pour les contrats de plus de 5 jours et 288€/jour pour les contrats de 1 à 4 jours maximum. (voir aussi le dernier paragraphe de cet article sur ce sujet).

 

Prise en compte des heures d’enseignement pour les artistes et pour les techniciens

Jusqu’ici réservées aux seuls artistes, les heures d’enseignement dispensées par les techniciens sont aussi prises en compte dans le calcul des 507 heures. Le nombre d’heures maximum pris en compte sera de 70h, contre 55h auparavant. Ce seuil est relevé à 120h (90 auparavant) pour les intermittents âgés de + de 50 ans.
Les heures de formation reçues restent prises en compte dans la limite de 338h.

[Additif du 06/01/2017 :]

La liste des établissements autorisés par le Pôle emploi est sensiblement élargie. On peut notamment y lire en nouveauté :

« … – les structures de droit privé ou public relevant des secteurs de la production cinématographique, de l’audiovisuel et du spectacle vivant et bénéficiant d’un financement public

-les organismes référencés par l’Assurance formation des activités du spectacle (AFDAS), organisme paritaire collecteur agréé de la culture de la communication des médias et des loisirs, au titre du décret du 30 juin 2015 relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue. »

 Télécharger le décret mettant à jour la liste des établissements d'enseignement] 

 

 

Neutralisation des effets des congés maladie, maternité, AT, sur l’indemnisation

Les périodes d’arrêt de travail indemnisées sont prises en compte dans les conditions suivantes :

– Les périodes de congés maternité indemnisés (par la sécurité sociale ou par Audiens, ce qui est nouveau pour ce dernier) sont comptabilisées pour 5h / jour.
– Les congés d’adoption indemnisés par la sécurité sociale sont également comptabilisés pour 5h / jour.
– Les périodes d’accident du travail se prolongeant à l’issue du contrat de travail sont également comptabilisées pour 5h / jour.
– Les périodes d’arrêt maladie pour affection de longue durée sont également comptabilisées pour 5h / jour. C’est ici une nouveauté.

 

 

3 – Les allocations journalières des intermittents

Dès l’ouverture des droits, une date de réexamen est fixée 365 jours plus tard : l’allocation est ainsi versée pendant un maximum de 365 jours. Cependant, ce n’est pas tout à fait un retour à la notion de date anniversaire, car la date de fin du dernier contrat de travail fera référence pour déterminer la nouvelle date d’examen des futurs droits. On parlera de date préfixe glissante.

Sans rentrer davantage dans les détails, la formule de calcul des allocations reste combinée en trois parties, avec une partie proportionnelle au salaire de référence et une partie proportionnelle aux heures attestées. L’allocation journalière minimale est fixée à 44€ pour les artistes et 38€ pour les techniciens.

Le plafond mensuel de cumul revenus + indemnités est abaissé à 1,18 plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 3.797,24€ en 2016 (1,4 plafond mensuel précédemment, soit 4.505,20€).

Désormais, tous les mois, il sera déduit du nombre de jours indemnisés un nombre de jours au titre des congés payés (2,5 jours par période de 4 semaines, comme il est prévu dans le droit du travail pour l’acquisition de congés). Cela aboutit à un non cumul des allocations avec les droits à indemnités de congés payés. Cette mesure sera appliquée pour des raisons techniques d’ici la fin 2016, avec un effet rétroactif au 1er août.

Enfin, de nouvelles clauses de rattrapage sont prévues pour traiter les accidents de parcours pour les intermittents ayant 5 ans d’activité indemnisée et n’ayant pas réuni 507h sur 12 mois.

 

4 – Les cotisations et déclarations au Pôle Emploi

La cotisation patronale d’assurance chômage au régime des intermittents augmentera de 0,5% en août 2016 puis encore de 0,5% en janvier 2017.

 

Modification de l’assiette de calcul

L’assiette de cotisations assurance chômage est constituée des éléments soumis à cotisations de sécurité sociale, après déduction éventuelle d’un abattement pour frais professionnels de 20% ou 25%, selon les professions. A compter de juillet 2017, l’abattement d’assiette ne pourra plus être appliqué, et on calculera les cotisations sur le salaire brut non abattu.
Précisons ici que cela ne concernera que l’assurance chômage et n’aura ainsi pas d’incidence sur les autres cotisations sociales : l’abattement pour frais professionnels continuera d’exister, mais pour les cotisations de sécurité sociale, retraite complémentaire et prévoyance.

 Quid de l’Attestation Employeur Mensuelle (AEM) ?

Depuis 2004, les employeurs remettent aux intermittents une attestation spécifique, l’AEM. Établie mensuellement et à chaque fin de contrat, elle comporte les informations qui alimentent le dossier de l’intermittent. Les nouveautés introduites par la nouvelle règlementation vont certainement amener l’organisme à modifier leur formulaire déclaratif, qui sépare cachets isolés et cachets groupés, et qui distingue les réalisateurs des artistes et techniciens.

Si à ce jour rien n’est encore prévu officiellement, on peut imaginer une évolution de l’AEM sur quelques paramètres, et a minima sur la notion de cachet. Une autre hypothèse possible serait l’intégration de l’attestation des intermittents à la DSN…

[Additif du 26/07/2016 : cette deuxième hypothèse est néanmoins très peu probable, à l’heure où cet article est publié]

Le délai de mise en œuvre d’une nouvelle attestation sera de plusieurs mois, le temps de définir un nouveau format d’attestation, de procéder aux différents tests avec les éditeurs de logiciels et de délivrer les agréments, de faire migrer les systèmes informatiques de la caisse et les logiciels de paie des déclarants. D’ici là, rien ne bouge, et l’on continuera à utiliser l’AEM « comme avant » en déclarant des cachets isolés et groupés : le Pôle Emploi devra se charger de la conversion de tous les cachets sur la base de 12 heures. Restera à faire bien passer le message aux artistes concernés…

 


 

Cet article ne prétend pas faire le tour de la question. Vous pouvez vous reporter aux documents téléchargeables ci-dessous pour une information complète sur le sujet, et vers les sites des syndicats parties prenantes à l’accord pour des analyses des effets / exemples chiffrés.

[Cet article a été mis à jour le 06/01/2017]

Références :
• (1) Loi 2015-994 du 18 août 2015, article 34
• (2) Accord professionnel du 28 avril 2016
• (2) Avenant du 23 mai 2016Communiqué du Gouvernement du 30 mai 2016Communiqué du 16 juin 2016 de la Ministre du Tavail, Myriam El Khomri, annonçant un décret à paraître pour appliquer les dispositions de l’accord du 28 avril 2016 -> PDF
• Décret du 13 juillet 2016 publié au Journal Officiel du 14 juillet 2016
• Décret du 16 décembre 2016 publié au Journal Officiel du 17 décembre 2016
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