Rupture du contrat de travail : les nouveautés issues des ordonnances Macron


Publié le 6 novembre 2017

 

Les ordonnances Macron signées fin septembre modifient les conditions de licenciement, tant par rapport à l’ancienneté que par rapport au montant minimal d’indemnité. Elles apportent également des précisions au niveau de la procédure de licenciement pour motif économique et introduisent un nouveau mode de rupture du contrat : la rupture conventionnelle collective.

 

Indemnité de licenciement

Rappelons d’abord que tout salarié licencié a droit, sauf en cas de faute grave ou lourde, à une indemnité de licenciement dont le montant est fixé par le code du travail (indemnité légale) ou par la convention collective applicable à l’entreprise si celle-ci est plus favorable (indemnité conventionnelle).

La condition d’ancienneté (nouvelle règle)

L’article 39 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a abaissé à 8 mois (contre 12 auparavant) la condition d’ancienneté requise pour bénéficier de l’indemnité légale de licenciement. Cette nouvelle règle s’applique aux licenciements prononcés postérieurement au 23 septembre 2017.

 

Le montant de l’indemnité (nouveau calcul)

L’article 2 du décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017 sur le montant de l’indemnité a pour sa part été publié au Journal Officiel le mardi 26 septembre 2017. Il s’applique aux licenciements notifiés ainsi qu’aux ruptures conventionnelles conclues postérieurement à la publication du décret, à savoir à compter du 27 septembre 2017. Selon la nouvelle formule de calcul, l’indemnité légale de licenciement s’élève désormais à :

– 1/4 de mois de salaire par an, pour les 10 premières années d’ancienneté (1/5 de mois auparavant, soit une hausse de 25 %) ;

– auxquels s’ajoutent 1/3 de mois de salaire par an, pour chaque année au-delà de 10 ans d’ancienneté (sans changement).

 

Exemple : un salarié est licencié avec 15 ans d’ancienneté et un salaire de référence de 2000€ bruts.

 

 

Comparaison légale / conventionnelle : lorsque l’entreprise relève d’une convention collective, il faut continuer à comparer l’indemnité légale de licenciement avec l’indemnité d’origine conventionnelle et prendre la plus favorable au salarié. C’est l’indemnité « globale » la plus favorable au salarié qui sera payée. Autrement dit, il ne faut pas composer avec les deux formules une indemnité pour partie calculée selon les deux règles.

Exemple : une entreprise applique une convention collective qui prévoit une indemnité de licenciement à partir de 1 an d’ancienneté, d’un montant de 1/3 de mois par année de présence. Pour un salarié licencié avec 9 mois d’ancienneté et un salaire de référence de 2000€ bruts, la comparaison des 2 calculs donne :

L’indemnité légale est de 375€ (2000*1/4*9/12)

– L’indemnité de licenciement conventionnelle est d’un montant supérieur (2000*1/3*9/12 = 500€) mais le salarié n’a pas l’ancienneté requise pour en bénéficier.

Le salarié aura donc droit à l’indemnité légale de licenciement.

 

Procédure et formalisme

Formalisme : bientôt un modèle type de lettre de notification de licenciement

L’ordonnance 2017-1387 facilite l’obligation de motivation de la lettre de licenciement en permettant à l’employeur de recourir à des modèles de lettre, que le licenciement soit fondé sur un motif personnel ou économique (complément apporté à l’article L.1232-6 du Code du Travail).

Cette mesure a pour objectif de sécuriser l’énoncé du motif du licenciement et devrait intéresser principalement les petites et très petites entreprises qui, généralement, ne sont pas dotées d’un service juridique.

Ces modèles, qui seront adoptés par décret en Conseil d’Etat, rappelleront les droits et obligations de chaque partie au contrat de travail. Ils devraient faire l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux avant leur adoption.

 

NB : Nous mettrons à jour cet article dès publication des modèles.

 

Précision du motif de licenciement postérieurement à la notification

L’objectif est d’assouplir les exigences issues de la jurisprudence, très stricte concernant la motivation du licenciement. En effet, pour la Cour de Cassation, une absence de motif, une imprécision ou une insuffisance de motif dans la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. Les conséquences financières d’une rupture de contrat sans motif réel et sérieux (licenciement injustifié) ont elles aussi été modifiées par les ordonnances Macron, et les montants alloués par le tribunal des prud’hommes sont encadrés (minimum et maximum selon l’ancienneté du salarié et la taille de l’entreprise). Voir le simulateur de calcul présenté sur service-public.fr.

 

Pour éviter une telle sanction et faire baisser le nombre de contentieux, l’article 4 de l’ordonnance 2017-1387 prévoit la possibilité de préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement, après sa notification, soit à l’initiative de l’employeur, soit à la demande du salarié,

Cette possibilité de sécuriser a posteriori la lettre de licenciement permet de compenser une insuffisance de motivation initiale et non pas de compléter : l’employeur ne peut donc pas invoquer d’autres motifs que ceux déjà mentionnés dans la lettre.

Ainsi, une imprécision de motif ne sera plus considérée comme affectant le bien-fondé du licenciement.

Le décret à paraître fixera les délais et conditions dans lesquels une précision pourra être apportée.

 

Les dispositions relatives aux modèles types et à la possibilité de préciser les motifs dont l’entrée en vigueur est subordonnée à la publication de décrets d’application, seront applicables à la date de cette publication et au plus tard le 1er janvier 2018.

 

NB : Nous reviendrons plus en détail sur ce point dès la parution des décrets.

 

Licenciement économique

Les ordonnances Macron s’inscrivent dans la continuité de la loi dite Travail (encore appelée « Loi El Khomri ») n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. Celle-ci avait déjà apporté des précisions sur les conditions du licenciement économique en différenciant selon la taille de l’entreprise un des critères des difficultés économiques, celui de « baisse significative » des commandes ou du chiffre d’affaires.

Les critères du licenciement économique sont définis à l’article L 1233-3 du Code du Travail, qui prévoit que l’employeur pourra licencier un salarié en raison « des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. »

 

Ainsi, pour se prévaloir d’une cause économique, l’entreprise doit attester d’une baisse de commandes ou du chiffre d’affaires d’au moins :

– 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;

– 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;

– 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;

– 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

 

Les nouvelles dispositions ci-après s’appliquent aux procédures engagées à compter du 24 septembre 2017.

 

Motivation du licenciement économique

L’article 15 de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail apporte des précisions quant au périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement : les indicateurs s’apprécient au niveau de l’entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et au niveau du secteur d’activité commun au sien et à celui des entreprises du groupe établies sur le territoire national dans le cas contraire.  Il n’y a plus à prendre en considération dans le secteur d’activité considéré la situation des entreprises du groupe implantées à l’étranger ; la motivation est recentrée au niveau national.

 

Les notions de « groupe » et de « secteur » sont désormais clairement définies.

Le « groupe » s’entend de deux façons possibles :

– Soit « lorsque le siège social de l’entreprise dominante est situé sur le territoire français, conformément au I de l’article L. 2331-1 »,

– Soit le groupe est « constitué par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire français. »

 

Le secteur d’activité est caractérisé « par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché. »

 

Reclassement des salariés

L’obligation pour l’employeur de chercher un reclassement pour les salariés concernés demeure, mais elle se limite aux entités situées sur le territoire national. Les postes disponibles à l’étranger n’ont plus à être proposés.

Les modalités de proposition sont assouplies :  il est désormais possible de « diffuser, par tout moyen, une liste des emplois disponibles à tous les salariés » (en attente décret d’application) alors qu’il fallait auparavant des propositions de reclassement personnalisées. (article L1233-4 du Code du Travail modifié par ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 – article 16)

 

Un nouveau mode de rupture du contrat de travail : la rupture conventionnelle collective

L’article 10 de l’ordonnance 2017-1387 a pour objectif de faciliter les plans de départs volontaires, hors difficultés économiques. Les accords collectifs portant « rupture conventionnelle collective » (RCC) font leur entrée dans le code du travail (art. L1237-19).

Ainsi, un employeur va pouvoir négocier avec les représentants des salariés un accord de Rupture Conventionnelle Collective, pour définir les conditions et les modalités de la rupture d’un commun accord du contrat de travail. L’accord, une fois validé par l’administration, permet à l’entreprise de prévoir des suppressions d’emploi en dehors de tout licenciement et de raisons économiques.

L’accord portant RCC est conclu selon les règles de validité définies à l’article L 2232-12 du Code du travail : signature de l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections.

L’administration doit être informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue d’un accord collectif portant rupture conventionnelle collective. Une fois conclu, l’accord est transmis à la Direccte compétente pour validation. Celle-ci s’assure que celui-ci est conforme à la loi, qu’il prévoit bien toutes les mesures nécessaires et que l’instance de représentation du personnel (comité social et économique ou, si le CSE n’est pas encore mis en place, comité d’entreprise ou, le cas échéant, délégués du personnel) a été régulièrement informée.

Les modalités d’information de l’administration seront précisées par le décret sur les mesures d’application du dispositif.

L’autorité administrative compétente doit notifier sa décision dans un délai de 15 jours, l’absence de réponse dans les 15 jours vaut validation.

 

Le contenu de l’accord est fixé par la loi (article L 1237-19-1 nouveau du Code du travail) :

– modalités et conditions d’information du comité social et économique (CE ou DP dans l’attente de mise en place de cette instance unique) ;

– nombre maximal de départs envisagés et durée de mise en œuvre de la rupture conventionnelle collective ;

– conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;

– critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;

– modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;

– modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés;

– mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents;

– modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord.

Ces prescriptions constituent un minima, propre à limiter tout arbitraire, les parties étant libres de prévoir d’autres mesures.

 

Régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle collective

Un amendement au projet de loi de finances pour 2018 a été présenté par le Gouvernement sur cette question. Son sort reste tributaire de l’issue des débats parlementaires. L’amendement envisage d’assortir l’indemnité de rupture du même régime que l’indemnité de licenciement à savoir une exonération d’impôt sur le revenu sans limitation de montant.

La législation de sécurité sociale devrait conduire à considérer que l’indemnité est exonérée de cotisation de sécurité sociale et des charges ayant la même assiette, dans la limite de 2 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale.

 

NB : L’article 10, III de l’ordonnance 2017-1387, prévoit qu’un décret doit venir préciser les modalités d’application du dispositif. En conséquence, le dispositif entrera en vigueur à la date des décrets d’application, et au plus tard le 1er janvier 2018.

 

 

Sources et références :
Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail
Décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017 portant revalorisation de l'indemnité légale de licenciement
Simulateur de calcul d’indemnités pour licenciement sans motif réel et sérieux
Article L1233-3 du Code du Travail concernant les motifs économiques permettant le licenciement
Sur service-public.fr, la fiche pratique sur la procédure de licenciement pour motif personnel
Sur service-public.fr, la fiche pratique sur les nouvelles indemnités légales de licenciement

 

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