Congés payés et maladie
Publié le 15 novembre 2023
Par trois décisions rendues le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement juridique qui bouleverse les pratiques des entreprises en matière d’acquisition de congés payés pour les salariés en arrêt de travail.
Jusqu’à présent, et sur ce sujet, la législation française n’était pas en accord avec la législation européenne. Les décisions de la Cour de cassation mettent en conformité le droit français avec le droit européen, en écartant les dispositions du Code du travail qui excluent ou limitent l’acquisition des congés payés au cours d’un arrêt maladie d’origine professionnelle ou non.
Rappel de la législation applicable à l’acquisition de jours de congés jusqu’au 13/09/2023
Le droit français prévoyait un droit à congés payés annuel de 5 semaines, avec la notion de temps de travail effectif (c’est-à-dire que certaines absences non assimilées à temps de travail effectif ne donnait pas lieu à droit à congés). Les salariés n’acquerraient donc pas de congés payés pendant les absences pour maladie non professionnelle (sauf dispositions conventionnelles plus favorables). De même, en cas d’arrêt de très longue durée, le droit français limitait l’acquisition des congés payés à un an de droit à congés (5 semaines) dans le cas d’un arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail (sauf dispositions conventionnelles plus favorables).
La directive européenne quant à elle prévoit un droit à congés payés d’au moins 4 semaines annuelles, sans notion de temps de travail effectif et quelle que soit la nature de l’arrêt de travail.
Il y avait donc contradiction entre le droit du travail français, et le droit européen. En effet, la CJUE (Cour de Justice de l’Union Européenne) considère que le congé payé annuel vise un objectif de loisirs, tandis que le congé maladie vise un objectif de santé : le salarié en arrêt maladie devrait donc continuer à acquérir un droit à congés payés.
Les décisions de la Cour de cassation du 13/09
La Cour de cassation a rendu un jugement basé sur la législation européenne, faisant jurisprudence et modifiant les règles applicables en droit français. Ainsi :
– tout salarié devrait continuer d’ acquérir des congés payés lorsqu’il se trouve en arrêt maladie d’origine professionnelle ou non professionnelle, ou d’accident du travail, sans limitation de durée. C’est-à-dire qu’en cas d’arrêt de travail, le salarié continuerait d’acquérir des congés payés, sans changement pour lui.
– la prescription (trois ans) du droit à congés payés ne commencerait à courir que lorsque l’employeur a mis le salarié en mesure de prendre ses congés payés. C’est-à-dire que le salarié ne peut pas perdre son droit à congés payés si l’employeur n’est pas capable de justifier qu’il a mis tout en oeuvre pour que le salarié puisse prendre ses congés payés. Dans ce cas là, les congés payés seront reportés et non perdus.
Que faire de ces décisions ?
A l’heure d’aujourd’hui, le droit français reste inchangé. Le gouvernement doit s’atteler à adapter les règles pour se mettre en conformité par rapport au droit européen et aux décisions du 13/09. On peut s’attendre à une mise à jour du code du travail dans l’année à venir.
Mais il ne faut pas attendre la modification du droit français pour modifier les pratiques d’acquisition de congés payés dans les entreprises. En effet, en cas de contentieux, les juges condamneront très certainement les employeurs qui n’auront pas mis en application ces décisions.
Nos recommandations
Sans attendre ces modifications, vous devez vous interroger sur vos pratiques actuelles et futures en mesurant vos risques (cf. plus bas : « En pratique avec Pop Paye »).
Nous vous recommandons donc de modifier les règles d’acquisition des congés payés de vos salariés sur les périodes de maladie, pour la période de congés en cours (période légale du 01/06/2023 au 31/05/2024, ou autres dates si vous avez un exercice de congés payés différent).
La Cour de cassation a précisé que ces décisions valent tant pour les droits à congés légaux, y compris la cinquième semaine de congé, que pour les droits à congés conventionnels.
Concernant les congés payés supplémentaires « maison », cela dépend des dispositions prévues dans l’acte de mise en place de ces dispositions.
Pour ce qui est du passé, il est préférable de ne pas régulariser dans l’immédiat, la législation étant celle qu’elle était à ce moment là, et aviser en cas de demande de régularisation d’un salarié sur des années précédentes. Nous pouvons cependant réaliser une étude individualisée selon les cas que vous avez rencontrés si vous le souhaitez, afin d’évaluer le coût et les risques. Le délai de prescription étant de 3 ans, un salarié pourrait demander à régulariser ses congés depuis le 01/06/2019 s’il en faisait la demande sur l’exercice de congés en cours.
Pour les salariés ayant été dans l’impossibilité de prendre leurs congés payés au cours de la période de prise en raison d’absences liées à la maladie, ou si l’employeur n’a pas pris toutes les mesures nécessaires permettant au salarié d’exercer son droit à congés payés, alors les congés payés ne peuvent être perdus et doivent être reportés.
En pratique avec Pop Paye
Pour l’exercice de congés payés en cours, nous allons régulariser les congés payés acquis sur les absences maladie (professionnelles ou non) des salariés concernés. Ces modifications seront faites d’ici le 31 décembre 2023 et la régularisation des congés payés acquis re-crédités apparaitra distinctement sur le bulletin de paie. Nous appliquerons pour l’avenir ces dispositions pour être en conformité avec les arrêts de la Cour de cassation.
Si malgré nos recommandations, vous souhaitez ne pas faire le changement de règle d’acquisition de congés payés, en vous exposant au risque de contentieux, nous vous remercions de nous le faire savoir par écrit avant le 30/11/2023.
Nous vous conseillons également d’informer vos salariés sur ces nouvelles règles d’acquisition de congés payés.
Votre gestionnaire de paie reste bien évidemment à votre disposition pour toute question à ce sujet, analyse financière et étude de cas personnalisée.
https://www.courdecassation.fr/decision/65015d5fee1a2205e6581656
https://www.courdecassation.fr/decision/65015d62ee1a2205e6581658