L’Abattement pour frais professionnels à partir de 2023
Publié le 7 novembre 2022
Un changement important de doctrine de la sécurité sociale concerne les conditions au bénéfice de la Déduction Forfaitaire Spécifique pour frais professionnels (DFS), communément appelée « abattement pour frais professionnels ».
Nous avions déjà consacré une news à ce sujet en début d’année, avertissant du changement à venir en 2023. Notre fiche info sur l’abattement avait ensuite été mise à jour. L’échéance approchant, nous revenons à nouveau ici sur cet épineux sujet.
Rappels des principes de la DFS : certaines professions* peuvent bénéficier d’un abattement de 20 à 30% ** sur les bases de cotisations, occasionnant une baisse des cotisations salariales (= augmentation du net) et des charges patronales ( = baisse du coût employeur). MAIS cet abattement baisse les droits sociaux des salariés concernés et complexifie l’articulation avec la prise en charge des frais par l’entreprise.
* Artistes lyriques, dramatiques chorégraphiques, musiciens, choristes, chefs d’orchestre, journalistes et pigistes… ** Taux variable : -20 à -30% pour les professions ci-dessus.
A partir de 2023, l’application de la DFS sera conditionnée au fait que le salarié supporte effectivement des frais professionnels.
Les nouvelles contraintes règlementaires
Une période transitoire jusqu’au 31 décembre 2022 a été mise en place par l’Urssaf : en cas de contrôle, un simple rappel à l’ordre et des explications sur le traitement est effectué. A compter du 1er janvier 2023, le dispositif verra son traitement et son contrôle durci par l’Urssaf (redressement en cas d’application indue de la DFS).
En effet, comme l’indique le Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), «Pour bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique, le salarié doit faire partie de la liste des professions* … et supporter effectivement des frais lors de son activité professionnelle.
Ainsi, en l’absence de frais effectivement engagés ou en cas de prise en charge ou de remboursement par l’employeur de la totalité des frais professionnels, la déduction forfaitaire spécifique n’est pas applicable dès lors que le salarié ne supporte aucun frais supplémentaire au titre de son activité professionnelle».
Il devient donc impératif que l’employeur puisse justifier de frais professionnels effectivement engagés par le salarié et qui ne lui soient pas remboursés. La simple appartenance à l’une des profession ne suffit plus à permettre le bénéfice de l’abattement pour frais professionnels.
* Rappelons que la DFS n’est prévue que pour une liste limitée de professions définie par le code général des impôts et pour un montant maximal de 7.600€ par an et par salarié.
Les questions de formalisme
1- L’accord du salarié
Comme auparavant, à défaut d’accord collectif prévoyant le recours au dispositif, l’employeur doit recueillir annuellement le consentement (écrit ou enregistré et daté) du salarié. A cette fin, l’employeur informe le salarié des conséquences sur ses futurs droits aux assurances sociales : baisse de l’assiette de cotisation sur le salaire = baisse des droits constitués pour les prestations sociales concernées.
Rappelons ici que notre fiche info propose un modèle d’accord à faire signer par les salariés concernés.
2- La preuve des dépenses restant à la charge du salarié
C’est la nouveauté puisque jusqu’ici le salarié était présumé supporter des frais professionnels de par sa seule profession. Cette présomption suffisait à permettre le bénéfice de l’abattement (de 20 à 30% pour les professions du spectacle, les journalistes). Désormais le salarié devra prouver que des dépenses à caractère professionnel restent à sa charge (donc des dépenses professionnelles non prises en charge par son employeur).
Ceci sera d’autant plus difficile à faire que le législateur n’est pas explicite sur la nature de ces frais. A ce jour, aucune information n’a été donnée par l’Urssaf sur les justificatifs recevables pour l’administration : ni le type de dépense, ni la période concernée, ni le montant restant à la charge du salarié par rapport aux montants pris en charge par l’employeur…
La question du coût
A défaut de justificatif recevable, l’abattement ne peut être appliqué et les cotisations sont calculées sur le salaire brut, dans les conditions de droit commun.
Quel est l’écart de coût pour l’employeur, de revenu net pour le salarié ? La simulation ci-dessous est établie sur la base d’un salaire médian, et avec le plus fort taux d’abattement pour un artiste (-25%) afin d’en montrer l’impact maximum avec / sans (1).
Artiste dramatique avec un cachet de 300€ bruts :
• le coût employeur avec application de l’abattement (25%) est d’environ 448 € (net 240€)
• le coût employeur sans application de l’abattement est d’environ 474 € (net 233€)
L’écart de coût patronal est ici de +6% et l’écart de net avant PAS de -3%. Cela a un impact relativement faible sur le net et plus sensible sur le coût employeur, mais on est loin des 25% de taux d’abattement. Il permet de projeter ces évolutions de coût salariaux pour réaliser les budgets prévisionnels et de prendre des décisions.
(1) Cet exemple montre des écarts moyens, assez représentatifs. Ils peuvent varier entre +7% et +4% pour le coût patronal et -2% et -3% pour le net avant PAS, selon le montant du salaire, la convention collective de l’entreprise, son effectif et l’historique du salarié. Votre gestionnaire de paie pourra à cet effet établir des simulations précises adaptées à votre entreprise.
Les cas complexes : articulation avec les remboursements
Appliquer l’abattement pour frais professionnels suppose donc que le salarié supporte personnellement des frais. Dans le cas où l’employeur viendrait tout de même à prendre en partie certains frais (=> cumul abattement + prise en charge employeur), alors ceux-ci seront soumis à cotisations, que ce soit :
– un remboursement au réel sur présentation de facture,
– une indemnité forfaitaire (défraiement),
– ou si l’employeur prend en charge directement la dépense sans que le salarié n’en ait fait l’avance (= paiement direct au fournisseur par l’employeur. Cette nouveauté 2023 durcit les règles précédentes).
Exemples de frais généralement supportés par l’employeur : Prise en charge directe par l’employeur auprès d’un tiers (hôtelier, restaurateur, entreprise de taxi…) des frais de son salarié en situation de déplacement professionnel (frais d’hébergement, frais de repas, frais de déplacement…) Remboursement des dépenses d’entretien des vêtements de travail…
Des exceptions à cette règle de non-cumul existent toujours dans la règlementation. Mais en pratique, pour bénéficier d’une exonération de cotisations sur les frais pris en charge par l’employeur, en plus de l’abattement, il faudra non seulement que le salarié soit dans l’une des situations prévues (comme auparavant), mais que l’employeur puisse produire la preuve de dépenses « recevables » restant à la charge du salarié…
L’avis de Pop Paye
La législation implique une évolution de vos pratiques sur ces éléments de rémunération, mais le flou sur les questions de formalisme crée une insécurité juridique. Nous vous recommandons donc la plus grande prudence sur ce sujet, puisque le risque de redressement est important.
Nous vous conseillons d’abord de faire des projections budgétaires sur les impacts de ces changements.
Rappelons ici qu’en tant qu’employeur, vous avez la possibilité de ne pas appliquer la DFS, pour aucun de vos salariés : l’abattement n’étant qu’une possibilité.
Si l’arrêt de l’abattement à un coût, il est avantageux à plusieurs égards :
– pas de perte de droits sociaux pour les salariés
– pas de risque de redressement Urssaf sur ce point
– souplesse quant à la prise en charge – exonérée de cotisations – des frais occasionnés par les missions professionnelles des salariés.
Enfin, quelle que soit votre décision vous devrez en informer vos salariés. Si vous souhaitez continuer à appliquer l’abattement à partir de 2023, soyez très prudents quant à son application et demandez à vos salariés de conserver scrupuleusement tous les justificatifs de dépenses engagées pour l’exercice de leur profession.
En pratique avec Pop Paye
Informez votre gestionnaire de paie de l’option que votre entreprise aura retenue pour 2023 : cessation de l’abattement pour tous les salariés ou maintien de l’abattement selon le choix de chaque salarié. Si vous appliquez l’abattement pour frais professionnels et prenez en charge des frais en direct, il vous faudra nous les communiquer via la navette de paie à compter de janvier prochain afin qu’on puisse les soumettre à cotisations, si vous ne rentrez pas dans les cas d’exceptions de non-cumuls (voir ci-dessus).
Pensez également à modifier le choix de l’abattement pour frais professionnels dans vos fiches salariés sur My.Poppaye, chaque début d’année, en cas de changement par rapport aux années précédentes.
Votre gestionnaire de paie reste bien évidemment à votre disposition pour tout complément d’informations à ce sujet.
Source : BOSS